Travail musculaire analytique

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Travail musculaire analytique

(Last Updated On: 23 juillet 2019)

Avant de commencer, nous vous invitons à consulter les précautions à prendre dans la rubrique Contre-indications.

Le travail musculaire analytique nécessite une préparation préalable à base de stimulations manuelles (⇒ voir rubrique Travail préparatoire).

Objectifs 

  • Remobiliser progressivement les muscles afin de retrouver un contrôle de la mobilité faciale.
  • Restaurer une symétrie du visage en retenant le côté sain (trop actif par rapport au côté paralysé) puis en travaillant avec les deux hémifaces.
  • Prévenir l’installation des syncinésies grâce à un travail lent et ciblé (côté paralysé).

Si le patient le tolère, il peut être intéressant de comparer son visage au miroir ou en photo en début et en fin de séance afin de constater la différence méliorative obtenue. 

Gardons bien en tête qu’il n’existe pas de rééducation-type et que tout dépend des spécificités pathologiques et personnelles du patient que nous recevons en face de nous. Comme dans toute prise en charge, l’adaptation est le maître-mot.

PFP a frigore flasque à 1 mois.
 Merci de ne pas reproduire ni partager.

PFP a frigore flasque à 4 mois 15 jours (3 mois 15 jours de rééducation).
 Merci de ne pas reproduire ni partager.

Nous reprenons dans ce qui suit les principes de la Neuro Muscular Retraining, selon la méthode développée par Diels et Combs.

Principes de la NMR (NeuroMuscular Retraining)

Interview de J. Diels 

  • Analyser l’action des muscles

Dans la NMR, l’un des principes de base est d’enseigner au patient quel muscle effectue telle action, afin d’inhiber et relâcher les muscles non impliqués (par exemple, le sourire se réalise en grande partie au niveau de la joue plutôt que de la bouche). Cette prise de conscience de la fonction et  l’action de chaque muscle aide à renforcer le contrôle cortical, à améliorer la fonction motrice et à créer une symétrie faciale plus uniforme. On cherchera donc à présenter l’anatomie de la face.

⇒ Voir la rubrique Accompagnement du patient.

On invite le patient à prêter attention à son visage durant les exercices, à se concentrer sur ce qui est ressenti lorsque le côté non atteint réalise le  bon mouvement puis à le visualiser du côté paralysé. Il n’existe pas de liste générique d’exercices, car chaque profil est différent. 

Chaque groupe de muscle est analysé, le patient observe leur action dans un miroir. Il prend peu à peu conscience des mouvements spécifiques impliqués dans l’expression du visage. Cette exploration est un temps de découverte, de repérage des zones fonctionnelles et altérées, qui va l’aider à établir des stratégies mélioratives de mouvement.

Le recours à un miroir permet d’obtenir un meilleur contrôle de l’activité. Les mouvements involontaires sont ainsi mieux maîtrisés.

⇒ Voir la rubrique Feedbacks autres que le miroir.

Le principe de la NMR est de proposer ensuite un programme personnalisé (et donc différent pour chaque patient) mais qui repose quand même sur plusieurs conditions générales :

  • Réaliser des mouvements à faible amplitude, sans forçage : 

Des mouvements modérés limitent le recrutement des unités motrices, ce qui cible la réponse sur un seul muscle et améliore plus tard la coordination.

A l’inverse, de larges mouvements recrutent beaucoup plus d’unités motrices à la fois. Elles risquent alors de déborder vers les muscles avoisinants, ce qui aboutit à la syncinésie ou à une hypertonicité.

  • Réaliser des mouvements lents pour limiter les syncinésies :

La lenteur aide la patient à observer et mieux modifier l’angle, la force et la vitesse d’exécution du mouvement. Les stratégies de contrôle développées seront ainsi plus efficaces et mieux assimilées.

Cela permet de plus de laisser à l’influx le temps de parcourir le nerf pour en atteindre l’extrémité.

  • Travailler les mouvements en symétrie :

L’exécution de mouvements symétriques renforce une réponse physiologique normale et évite une hyperactivité du côté sain.

En cas de risque d’hyperactivité du côté sain (paralysie flasque), on veillera à ce que ce côté sain soit retenu avec la main pour mettre les muscles paralysés en position neutre. Pour cela, il convient de s’assurer que  la ligne médiane du visage soit bien maintenue en position centrale.

En effet, le côté sain, plus actif, risque d’attirer le côté paralysé qui n’oppose plus de résistance et qui se retrouve étiré. Or, un muscle paralysé étiré a plus de difficulté à se contracter et donc à récupérer.

A partir du moment où le patient parvient à réaliser volontairement le geste, l’hémiface non atteinte peut ne plus être maintenue par la main.

Attention : quand on contracte un muscle paralysé, dès qu’une contraction syncinétique se manifeste sur une autre partie de l’hémivisage, la contraction voulue est à maintenir sans l’amplifier le temps de contrôler l’inhibition de la syncinésie. On reprendra alors de façon plus lente.

Progression 

Le travail musculaire suit la progression de la récupération.

Cinq stades sont régulièrement décrits dans la littérature.

Les praxies sont reprises quotidiennement par le patient devant un miroir, sur un temps court en raison de la fatigabilité musculaire. Gatignol et al. (2016) préconisent des séries de 10 à 20 mouvements précis et peu nombreux car la charge électrique des fibres reste limitée.

De la même façon que pour le bilan, Lambert-Prou recommande d’évaluer à chaque séance la force musculaire lors des différents exercices et de noter toute évolution d’après l’échelle de 0 à 5 présentée en bilan :

0 = contraction nulle
1= contraction infime
2 = contraction faible
3 = contraction moyenne
4 = contraction assez ample
5 = contraction normale

De même pour les syncinésies : 

0 = aucune
1 = infime
2 = faible
3 = moyenne
4 = importante
5 = très importante

Attention : Il est important de garder en tête que si la PFP ne récupère pas dans le premier mois, le risque d’installation des séquelles est élevé et à surveiller de près entre le 5e et le 10e mois avec un pic de risque au 7e mois.

Exemples de consignes de mobilisation :

La mobilisation des muscles se fait étage par étage et doit être tenue plusieurs secondes. 

Dans les stades où la main réalise et/ou accompagne la réalisation du mouvement facial, il est important de bien respecter l’amplitude et la vitesse d’exécution de ce dernier (la lenteur est recommandée).  

Le côté sain peut dans les débuts (stade passif et passif assisté) être retenu par la main en position neutre pour concentrer l’action sur le côté paralysé et éviter une hyperactivité. 

D’après Lambert-Prou (2013)

Remarque 

Dans le cadre du syndrome de Moebius, les muscles  abaisseurs de la commissure fonctionnent généralement mieux que les muscles supérieurs (on peut alors observer un sourire inversé). Ils seront donc moins sollicités dans la rééducation. Retrouvez plus d’information dans l’article de Charpillet et al.

Exemples d’exercices  :

Lorsque la récupération le permet, le patient peut contrôler en partie son hémiface saine et la symétrisation du visage avec un abaisse-langue  dont l’une des extrémités est placée entre les lèvres au niveau du philtrum, qu’il faut bien amener et maintenir au centre à l’horizontal pendant une minute sans s’aider des dents (Hebting et Ferrand, 2015). 

Afin de travailler la symétrie de l’orbiculaire labial, on peut aussi proposer au patient de souffler sur une bougie qu’on amènera de plus en plus en direction de la ligne médiane puisque le souffle est dévié vers le côté paralysé au départ (Lambert-Prou)

Spécificités des séquelles (PFP hypertonique)

La paralysie hypertonique survient lorsque le nerf est resté en souffrance pendant longtemps. D’après Hebting et Ferrand (2015), elle peut être due à : 

  • Une compression prolongée (un mois et plus) sans levée de celle-ci 
  • Un hématome post-chirurgical long à se résorber
  • L’exérèse d’un neurinome de l’acoustique
  • Une étiologie zostériennes avec destruction importante des fibres nerveuses

Côté paralysé, le réapprentissage d’un mouvement normal ne peut se superposer aux contractions anormales installées, c’est pourquoi la première étape est de diminuer l’hypertonicité (Kottle, 1990) en ciblant les muscles concernés et leurs mouvements involontaires.

Un des challenges de l’orthophoniste avec la NMR est d’apprendre au patient à identifier, localiser et inhiber les syncinésies pendant le mouvement. Le patient doit aussi comprendre que la rigidité ressentie est causée par une activité musculaire excessivement accrue au repos.

PFP hypertonique vue tardivement (10 ans), syncinésies observables au niveau des lèvres, du menton et du cou.
Merci de ne pas reproduire ni partager. 

  • Relaxation :

La relaxation peut aider à prendre conscience et ressentir la différence entre la détente et la contraction. Dans les débuts, on peut choisir de travailler avec tout le corps puis amener progressivement le patient à se concentrer sur les muscles faciaux de manière analytique.

  • Préparation :

Les massages sont précédés par une application de chaleur sur l’hémiface pendant au moins 10 minutes, à reprendre quotidiennement sans se brûler (matin, midi et soir pour Hebting et Ferrand, 2015).

Les massages en endo-buccal sont particulièrement utiles et recommandés pour réduire la spasticité avant d’entamer le travail musculaire. On étirera notamment bien les zygomatiques et le risorius. Ils sont associés au massage externe.

⇒ Voir rubrique Préparation au travail musculaire.

  • Inhibition des syncinésies :

En se concentrant sur la représentation précise du geste à réaliser (voir praxies ci-dessus), le patient amorce lentement le mouvement et s’efforce de contrôler la zone syncinétique dès le départ. L’oeil côté paralysé est gardé bien ouvert afin d’éviter la syncinésie palpébrale. 

Lorsque la syncinésie se manifeste, le mouvement est maintenu sans plus d’amplitude tandis que la co-contraction est réduite volontairement. Le patient peut s’aider de sa main en la plaçant sur la zone syncinétique pour ressentir la contraction et en l’appuyant sur la peau pour accompagner l’inhibition mentale avec la sensorialité tactile (exemple : placer la main au niveau de la commissure lors des exercices de fermeture de l’oeil). 

Cette gestion est difficile et exige une grande concentration du patient et un contrôle par l’orthophoniste du bon apprentissage et de la bonne compréhension des techniques de prévention des risques. Elle reste essentielle pour arriver à dissocier syncinésie et mouvement de base. Au minimum, le mouvement ne doit pas persister.

Le schéma ci-dessous présente la dynamique d’inhibition des syncinésies.


Graphique issu de
Bells Palsy Information Website

 

Légende : 

Trait continu = Mouvement primaire voulu 
Pointillés = Syncinésie (mouvement non voulu sur une autre zone du visage)

A : Début du mouvement      B : Apparition de la syncinésie        C : Inhibition contrôlée de la syncinésie      D : Relâchement du mouvement

Le travail musculaire sur les syncinésies est à ajuster en fonction de leur importance et de leur intensité. Il se fait ici aussi étage par étage pour bien isoler les muscles syncinétiques. Ces derniers ne doivent en effet pas être mobilisés de façon synchrone.

Par exemple, si le travail de fermeture oculaire engendre un mouvement de la commissure labiale, le patient peut être invité à maintenir l’orbiculaire des lèvres de façon concentrique avant de fermer l’oeil (Hebting et Ferrand).

Hypertonie modérée à importante :

  • rictus et creusement de la fossette zygomatique qui reste plus haute que le côté sain au repos
  • syncinésie oeil-bouche avec mouvement de fermeture de l’oeil quand travail de l’orbiculaire labial 

Le patient est invité à essayer de maintenir l’équilibre entre les orbiculaires des lèvres et des paupières sans que n’interviennent d’autres muscles.

Pour cela, il peut poser son doigt sans appuyer au niveau du sillon naso-génien. De ce fait, il peut plus facilement percevoir la syncinésie au niveau de l’obiculaire labial lors de la fermeture de l’oeil en sentant le zygomatique qui fuit sous le doigt. L’exercice est alors suspendu. 

Hypertonie majeure :

  • rictus clonique au repos et en mouvement
  • syncinésie oeil-bouche conséquente avec fermeture totale de l’oeil sans maintien ouvert quand travail de l’orbiculaire labial 
  • action immédiate du zygomatique quand travail de l’obiculaire labial
  • cordes intrabuccales très douloureuses à la palpation
  • pommette très saillante et plus élevée côté paralysé
  • ouverture de l’oeil très réduite 

Travail de l’orbiculaire de l’oeil avec syncinésie zygomatique :

En position de repos, le sillon naso-labial peut être étiré au maximum et maintenu ainsi pendant que l’on demande un travail de l’orbiculaire labial puis la fermeture progressive de l’oeil. Le doigt relâche progressivement le sillon tandis que le patient maintient l’équilibre entre les deux orbiculaires. 

Tout muscle syncinétique doit être étiré avec la main avant et pendant sa manifestation.

Travail de l’orbiculaire des lèvres avec syncinésie palpébrale  :

On demande au patient de d’abord maintenir l’oeil bien ouvert pour le “fixer” avant de travailler l’orbiculaire labial.

Tout muscle syncinétique doit être étiré avec la main avant et pendant sa manifestation.

Le biofeedback est une alternative très utile pour alerter le patient de l’arrivée d’une syncinésie.

SOURCES

  • Balliet, R. (1989). Facial paralysis and other neuromuscular dysfunctions of the peripheral nervous system.  Manual of Physical Therapy. New York : Churchill Livingstone,  175-213.
  • Beurskens, CH., Heymans, PG. (2006). Mime therapy improves facial symmetry in people with long-term facial nerve paresis : a randomised controlled trial. Aust J Physiother, 52(3), 177-183.
  • Beurskens, CH., Heymans, PG. (2003). Positive Effects of Mime Therapy on Sequelae of Facial Paralysis: Stiffness, Lip Mobility, and Social and Physical Aspects of Facial Disability. Otology & Neurotolog, 24, 677–681.
  • Choquet, M. (2011). La paralysie faciale idiopathique : orthophonie et kinésithérapie. Elaboration d’un feuillet informatif destiné aux médecins prescripteurs. (Mémoire pour l’obtention du certificat de capacité d’orthophoniste), Université de Strasbourg.
  • Charpillet, V., Sergent, B.,  Gitiaux, C., Zbinden-Trichet, C-H., Vazquez, M-P. (2015). Le syndrome de Moebius : quelle rééducation proposer à nos patients? Les entretiens de Bichat 2015 – Orthophonie, 1-6.
  • Diels, HJ., Combs, D. (1997). Neuromuscular retraining for facial paralysis. Otolaryngologic Clinic of North America, 30(5), 727-743.
  • Gatignol, P., Lannadère, E., Bernat, I., Tankéré, F., Lamas, G. (2011). Bénéfices de la rééducation d’une paralysie faciale périphérique. Revue Médicale Suisse 311(35), 1908–1913.
  • Gatignol, P., Lamas, G. (2004). Paralysies faciales (p.31-42). Paris, France : Solal.
  • Hebting, J.M. & Ferrand, G. (2015). Kinésithérapie de la face, du crâne et du cou. Issy-les-Moulineaux, France : Elsevier Masson.
  • Kottke, FJ. (1990).  Therapeutic exercise to develop neuromuscular coordination. Krusen’s Handbook of Physical Medicine and Rehabilitation, 4e édition., Philadelphie, USA  : Saunders, 452-479.
  • Lambert-Prou, M-P. (2013).  Manuel Orthophonique d’aNAlyse de la paraLYSIe FACIALe périphérique. Document inédit.
  • Lambert-Prou, M-P. (2016). UE 5.4.3 : Prise en charge orthophonique des paralysies faciales périphériques, opérées ou non. Département d’orthophonie, UFR Médecine de Caen.
  • Lannadère, E. Gatignol, P. (2011). Prise en charge des paralysies faciales périphériques. Les entretiens de Bichat 2011, 79-93.
  • Lannadère, E., Gatignol, P., Picard, D. (2016). Principes de rééducation d’une paralysie faciale périphérique. Les monographies Amplifon, 60 (Réhabilitation de la face paralysée), 89-114.
  • Lebrun, L., (2012). La paralysie faciale périphérique et sa prise en charge orthophonique en libéral : élaboration d’un livret présentant les techniques d’évaluation et de rééducation propres à la pathologie. (Mémoire pour l’obtention du certificat de capacité d’orthophoniste), Université de Nantes.
  • Linday, RW., Robinson, M., Hadlock, TA. (2010). Comprehensive facial rehabilitation improves function in people with facial paralysis : a 5-year experience at the Massachussetts Eye and Ear Infirmary. Physical Therapy, 90(3), 391-397.
  • Manheim, CJ., Lavett, DK. (1989). The Myofascial Release Manual. Thorofare, N.J., Slack Inc, 75-80.
  • Martin, F., Couture, G., Eyoum, I. (1997). Les fonctions de la face. Isbergues, France : Ortho éditions.
  • http://bellspalsy.ws/
  • Chaine de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière : https://www.youtube.com/user/ghupitiesalpetriere/videos
By | 2019-07-23T16:42:50+00:00 janvier 17th, 2018|Information professionnelle|0 Comments

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