Lorsque les soins de première intention ne sont pas suffisants pour la récupération, d’autres solutions peuvent être proposées. La rééducation se poursuit toujours en s’adaptant à ces formes de soin.
La toxine botulique
Grâce à son action paralysante sur les muscles sélectionnés trop actifs, la toxine botulique est envisagée par un neurologue, un ophtalmologue, un ORL ou un chirurgien maxillo-facial qui maîtrisent cette pratique et suivent les indications prévues par l’AMM.
Elle peut être proposée dans trois situations :
- Le traitement des séquelles de type spasme et syncinésies
- La symétrisation du visage par injection côté sain
- La protection cornéenne (injection dans le releveur de la paupière supérieure)
Un dosage précis permet de minorer la suractivité du muscle hypertonique sans entraver la contraction des autres territoires faciaux.
Le traitement peut être administré en deux fois avec une à deux semaine d’intervalle afin d’effectuer des retouches (Labbé, 2015).
La Haute Autorité de Santé (2006) recommande son utilisation. Ses bénéfices sont observés dans 76% des cas avec hémispasme avec une durée d’efficacité de 2 à 6 mois.
Une rééducation par un orthophoniste et/ou un kinésithérapeute est associée à cette intervention renouvelable.
La HAS ne rapporte pas de complications sévères suite à une injection de toxine botulique. Des effets indésirables peuvent être rapportés (diploplie, ptosis, kératite) selon les caractéristiques de l’injection (profondeur et orientation de l’injection, concentration du produit). Ils restent rares et temporaires.
Contre-indications :
- Grossesse et allaitement
- Certains traitements médicamenteux (aminosides, aminoglycosides, anticoagulants)
- Certaines maladies neuro-musculaires (myasthénie, syndrome de Lambert-Eaton)
- Délai inférieur à trois mois depuis la dernière injection
Les chirurgies palliatives
La chirurgie palliative est envisagée lorsque la récupération spontanée avec rééducation est estimée trop lente ou lorsque le patient n’évolue plus alors qu’il reste des séquelles importantes.
Nous allons vous présenter ici les plus fréquentes :
L’anastomose hypoglosso-faciale consiste à créer une communication entre le nerf facial (VII) et le nerf grand hypoglosse (XII), qui assure la mobilité de la moitié de la langue, en les suturant ensemble. L’influx nerveux qui passe par le nerf grand-hypoglosse est ainsi transféré dans le nerf facial et assure la mobilité de toute l’hémiface.
Schéma d’après M-P Lambert-Prou (en rouge le nerf hypoglosse XII qui innerve la langue, en vert le nerf facial VII paralysé) :
La rééducation orthophonique débute immédiatement en ciblant le travail sur les mouvements de langue qui se trouvent réduits au départ. Quatre à six mois après l’intervention, l’influx du XII parvenant enfin sur le nerf VII, l’orthophoniste peut cibler cette fois le travail sur l’ensemble des muscles faciaux (Lhopiteau, 2005).
Indications :
- PFP de moins de quatre ans (sauf cas exceptionnels)
- Echec ou impossibilité d’une réparation par suture ou par greffe
- Des branches intactes et utilisables du nerf facial
- Deux nerfs hypoglosses (droite et gauche) fonctionnels pour éviter des troubles majeurs de la déglutition
- Paralysie de toute l’hémiface
- Motivation du patient pour suivre la rééducation
Inconvénients :
- Troubles sur les premiers mois de l’articulation et de la déglutition en raison du manque de mobilité de l’hémi-langue qui, sans soins adaptés, peut s’atrophier.
- Risque de syncinésies et de spasmes, comme dans toute paralysie faciale qui récupère.
Le principe est d’utiliser le rameau distal du nerf masséter (une des branches du trijumeau soit le nerf V). Il est relié chirurgicalement avec le nerf facial au niveau de l’oreille.
Image tirée de The Facial Paralysis Institute :
Encore peu répandue en France, elle offre des résultats encourageants pour la réanimation de toute l’hémiface et n’implique pas une atteinte linguale (Wang et al., 2012, 2014, Muphey et al., 2017). La synergie entre les deux nerfs est efficace pour retrouver un sourire spontané (Klebuc, 2015).
Les troubles de la mastication-déglutition observés dans l’anastomose VII-XII sont évités. Les séquelles physiques restent minimes car seule une partie du nerf V est utilisée et les muscles élévateurs de la mandibule alentours compensent l’atrophie du muscle masséter (Vertu-Ciolino, 2016).
Le risque d’hémispasme est faible. Des syncinésies peuvent survenir au moment de la mastication.
La récupération débute dans le mois suivant l’opération et se poursuit sur plusieurs mois. Une rééducation orthophonique est nécessaire pour favoriser la stimulation du nerf masséter vers le nerf facial et ainsi obtenir un sourire et des mimiques volontaires puis spontanées après plusieurs mois de travail.
En post-opératoire, on recommande au patient d’éviter toute pression sur la joue, le brossage de dents trop vigoureux et le soulèvement de charges lourdes (qui peut provoquer un serrage de dents et donc une contraction du masséter trop forte).
Indications :
- Paralysie de moins de quatre ans
- Intégrité du nerf trijumeau (contrôle de la sensibilité et de la contraction des muscles masséters et temporaux)
- Motivation du patient pour suivre la rééducation
Limites :
- Technique encore peu pratiquée en France
La myoplastie d’allongement du temporal est une technique musculaire mise au point à Caen par le Docteur Labbé. Elle consiste à utiliser le muscle temporal qui est innervé par le nerf trijumeau (V) et qui est donc fonctionnel.
Du fait de sa localisation (proche des muscles du sourire) et de l’orientation de ses fibres, il représente un remplaçant idéal aux muscles élévateurs des lèvres et permet la réhabilitation du sourire (Labbé, 1997, 2009).
Pages extraites du Livret Paralysie faciale, une chirurgie et une rééducation vous sont proposées
(par Bélinda Laîné et M-P Lambert-Prou, 2002, à retrouver sur le site de Le Sourire retrouvé).
L’intervention seule dure environ quatre heures sous anesthésie générale mais elle peut être prolongée si elle est associée à une prise en charge chirurgicale plus globale, avec une intervention au niveau de la paupière, du front et du côté sain. Un oedème post-opératoire (gonflement du visage) est fréquent et varie d’une personne à l’autre. Il disparaît après plusieurs jours.
Avant l’opération, le sourire du patient est analysé selon la classification de Rubin afin de déterminer les points d’insertion du muscle temporal.
La rééducation orthophonique débute à partir de la 2e ou 3e semaine post-opératoire (le temps de la cicatrisation), de façon hebdomadaire et complétée par des exercices à réaliser à domicile (Lambert-Prou, 1998).
Indications :
- PFP de plus de 18 mois (sauf en cas de section complète du nerf irréversible où elle peut être plus précoce)
- Nerf trijumeau fonctionnel
- Paralysie périphérique ciblée sur la zone inférieure du visage (ou alors l’associer à des traitements parallèles pour les autres zones).
- Motivation du patient pour suivre la rééducation
Inconvénients :
- Cicatrice discrète dans le sillon naso-génien entre la narine et la commissure de la lèvre
- Besoin éventuel de retouches chirurgicales
Pour avoir un aperçu de la chirurgie : Extrait du reportage Allô Docteur.
Remarque
Le recours à la stimulation électrique est proscrit dans le traitement des PFP du fait de son action néfaste sur la récupération : elle provoque un raccourcissement des fibres nerveuses qui rendent le muscle rigide.
SOURCES
- Amorelli, G., Spitz, M., Pereira, L.V., Vasconcellos, L.F. (2017). Quality of life and epidemiological profile of patients undergoing botulinium toxin treatment. Revista Brasileira de Neurologia, 53(2), 23-26.
- Biglioli, F., Colombo, V., Rabbiosi, D., Tarabbia, F., Giovanditto, F., Lozza, A., Cupello, S., Mortini, P. (2017). Masseteric–facial nerve neurorrhaphy: results of a case series. Journal of Neurosurgery 126, 312–318.
- Collège français d’ORL et de Chirurgie Cervico-faciale. (2014). Item 99 (ex item 326) : Paralysie faciale périphérique. Université Médicale Virtuelle Francophone.
Repéré à campus.cerimes.fr/orl/enseignement/paralysiefaciale/site/html/cours.pdf - Coombs, C.J., Ek, E.W., WU, T., Cleland, H., Leung, M.K. (2009). Masseteric-facial nerve coaptation – an alternative technique or facial nerve reinnervation. Journal of plastic, reconstructive and aesthesic Surgery, 62(12), 1580-1588.
- Guerreschi, P., Labbé, D. (2015). La myoplastie d’allongement du muscle temporal : raffinements techniques. Annales de chirurgie plastique esthétique, 60(5). 393-402.
- Klebuc, M. (2015). The evolving role of the masseterto-facial (V-VII) nerve tranfer for rehabilitation of the paralyzed face. Annales de chirurgie esthétique, 60(5), 436-441.
- Labbé, D. (1997). Lengthening of temporalis myoplasty and reanimation of lips. Technical notes. Annales De Chirurgie Plastique Et Esthétique, 42(1), 44–47.
- Labbé, D. (2009). Lenghtening temporalis myoplasty V.2. and lip reanimation. Annales de Chirurgie Plastique et Esthétique, 54(6), 571– 576.
- Labbé, D. (2015). Paralysie faciale : attitude pratique. Annales de Chirurgie Plastique Esthétique, 60(5), 462-464.
- Lainé, B., (2002). La paralysie faciale. (plus édité). Paris, France : Ortho édition.
- Lamas, G., Gatignol P. (2004), Paralysies faciales. Paris, France : Solal.
- Lamas, G., Tankéré, F., Gatignol, P., Vertu-Ciolino, V., Disant, F., Van den Abbeele, T., Racy, E. Russo, F.Y. (2016). Réhabilitation de la face paralysée. Les monographies Amplifon, 60.
Repéré à l’URL : https://www.amplifon.com/documents/406814/1006539/Monographie-Amplifon-num%C3%A9ro-60/ff6b6bf5-4fab-43fb-9567-38140c13b0c2 - Lambert-Prou, MP. (1998). Prise en charge de la paralysie faciale périphérique corrigée par transfert du muscle temporal sur la commissure labiale. Glossa n°63, 4-25.
- Lambert-Prou, MP. (2016). UE 5.4.3 : Prise en charge orthophonique des paralysies faciales périphériques, opérées ou non. Département d’orthophonie, UFR Médecine de Caen.
- Lhopiteau, M. (2005). Paralyse faciale périphérique : rééducation intégrant la plasticité cérébrale après chirurgie palliative. Glossa n°91, 32-49.
- Le Lann, M. (2018). Paralysie Faciale et toxine botulique : Elaboration d’un protocole d’évaluation des syncinésies. Mémoire pour le Certificat de Capacité d’Orthophonie). Université de Nantes.
- Murphey, AW., Clinkscales, WB., Oyer, SL. (2017). Masseteric Nerve Transfer for Facial Nerve Paralysisis – A Systematic Review and Meta-Analysis. JAMA Facial Plastic Surgery.
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Repéré à https://vula.uct.ac.za/access/content/group/ba5fb1bd-be95-48e5-81be-586fbaeba29d/Surgical%20reanimation%20techniques%20for%20facial%20palsy%20_
paralysis.pdf - Wang W., Yang C., Wei, L., Qinfeng, L., Yang X., Yixin, Z. (2014). Masseter-to-facial nerve transfer : a highly effective technique for facial reanimation after acoustic neuroma resection. Annals of plastic surgery, 73(1), 63-69.
- Wang W., Yang C., Wei, L., Qinfeng, L., Yang X., Yixin, Z. (2012). Masseter-to-facial Nerve Transfer : is it possible to rehabilitate the function of both the paralyzed eyelid and the oral commissure? Aesthetic Plastic Surgey, 36(6), 1353-1360..
- https://www.facialparalysisinstitute.com/treatments/masseter-facial-nerve-transfer/
- https://www.facialparalysisinstitute.com/treatments/hypoglossal-facial-nerve-transfer/
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